we won't judge you, it's your story« Saul, are you listening ? » Le petit garçon fixe ses lacets de chaussures qui sont défaits et lui donnent l’air encore plus négligé. Ses cheveux roux pétants emmêlés rappellent inévitablement les origines de sa famille tandis qu’elle ne trouve aucune ressemblance avec son frère ainé si ce n’est la turbulence. Mais Saul est bien plus ingérable que Sharley. C’est comme si rien ne l’atteint, si ce n’est la provocation. Il est silencieux sur cette chaise bien trop grande pour lui. Elle a presque pitié de voir un si jeune enfant dans un tel état. Mais ça n’a rien à voir avec des mauvais traitements. Le cadet des Quinn passe simplement son temps à se bagarrer avec ses camarades. Il est écorché partout, mais généralement, les autres enfants sont dans un pire état. C’est la troisième fois cette semaine qu’elle le convoque. Elle essaie d’attirer son attention à nouveau.
« Saul, you do know you really hurt Glenn, don’t you ? He’s going to have stitches. » Mais le petit garçon ne cille pas et continue de fixer ses chaussures. Il n’a pas l’air désolé pour autant.
« Can you tell me why ? What happened ? Your grandmother and your mother won’t be happy to learn you did it again. I will have to send you home for a few days. » Il finit par ouvrir la bouche, mais comme d’habitude, il ne dit pas grand-chose :
« He made me angry. » Probablement que ces enfants manquaient de cadre, de corrections puisqu’ils n’avaient pas de père. En réalité, Saul ne supportait pas qu’on dise de sa mère qu’elle était une prostituée. Il connaissait ce mot, il ne se souvenait plus comment, mais il savait que c’était la pire insulte, et ce n’était pas tant pour sa mère, mais il ne voulait pas être relié à un tel mot. Alors, il lâchait les chevaux et s’acharnait sur toute personne se plaisant à lui rappeler que sa mère avait fréquenté beaucoup d’hommes. La directrice de l’école chercha à en savoir plus, mais il n’ouvrit plus la bouche jusqu’à ce que sa mère arrive, déçue, comme d’habitude, mais elle n’osait même pas lui dire quoi que ce soit, parce qu’elle ne voulait pas le frustrer, il restait son petit garçon chéri, même si les autres parents la menaçaient de représailles. Il n’était qu’un gamin.
***
« Tu sais que tu ne la mérites pas ? » Lance Sharley, moqueur. Il veut probablement faire prendre conscience à son frère qu’il y a une façon de gérer une relation amoureuse, et Sol est bien loin du compte avec Harriet. Il n’y a pas de doute, le garçon est amoureux, mais il a une drôle de façon de le montrer, il la considère comme acquise.
« Occupe-toi de ton cul, Sharl’. » Qu’il maugrée, ayant envie de lui faire fermer sa grande bouche de la manière forte. Son frère a toujours le chic de l’agacer.
« Je me demande pourquoi tu t’entêtes ! » Ce n’était plus de l’entêtement, mais de l’acharnement. A chaque fois qu’ils se séparaient, c’était parce que Sol en venait aux mains avec elle. Il la violentait, mais trouvait toujours le moyen de se faire pardonner, la sereinant que ça ne recommencerait plus. Et pourtant, jusqu’à présent, il n’avait pas tenu ses engagements. Cette violence, personne ne l’avait jamais expliquée, elle était là, et elle prenait de l’ampleur quand le jeune homme était submergé par les émotions. Là, marchant dans la rue aux côtés de son frère, en route pour boire une petite bière, il lâche, sans même accorder un regard à son ainé.
« Tu sais rien. » Mais Sharley en sait plus que ce que Sol veut croire. Il le connait mieux que quiconque, probablement mieux qu’Harriet qui est pourtant raide dingue de lui. Leur relation n’est pas saine, c’est évident. Ils se font du mal parce qu’il ne sait se maitriser, parce qu’elle le provoque sans arrêt. Harriet et Sol n’a rien du couple modèle, d’ailleurs si on connait la belle, on se demande forcement ce qu’elle fait avec la bête qu’il est. Ils n’appartiennent pas au même monde.
« T’es con ou tu le fais exprès ? C’est quoi ton problème Sol ? » Le plus jeune des Quinn lâche un rire hautain. S’il croit que les choses déraillent, il s’est bien trompé.
« On s’est mariés. » Et cette information prend son frère au dépourvu. Celle-là, il ne l’avait pas vue venir.
« Quoi ?! » Le cadet est fier de lui et en rajoute sur l’info du jour.
« En plus il est sourd… Harriet Quinn, ça en jette hein ?! Ah oui et j’ai pris le premier témoin qui venait désolé. » Il n’avait pas eu envie d’en faire toute une fête, ils s’étaient mariés pour faire un pied de nez aux rageux. Ca ne changeait rien entre eux, et il n’avait pas envie de dépenser à tort et à travers pour une journée d’hypocrisie. Ils pouvaient s’aimer sans personne. Ou du moins puisqu’il avait dû avoir un témoin, il avait simplement demandé à un gars qu’il connaissait à peine d’être présent. Sharley ne comptait pas le laisser avoir le dernier mot :
« Oh non moi qui rêvais de sortir ma belle robe de demoiselle d'honneur ! » Sol lève les yeux au ciel et se félicite d’avoir maintenu son frère loin de la mairie.
***
« C’est ta meuf ? » Pete demande penché sur l’épaule de Sol qui squatte chez lui depuis maintenant dix jours. Sol se sort de ses songes. Il l’épie en permanence, Harriet. Le vide qu’elle laisse dans sa vie est comparable à un trou noir dans l’univers. Il pensait qu’elle allait lui revenir, une fois de plus, mais pas cette fois. Il l’aime trop, c’est pour ça qu’ils se déchirent.
« C’était. » Enfin à ses yeux, elle l’est toujours. Ce n’est pas parce qu’elle ne porte plus son nom que ça change quelque chose. Et pourtant, il est probablement celui qui la fréquente le moins.
« Putain, elle est bandante ! » Pete, comme la plupart des hommes qui posent le regard sur elle, se laissent vite séduire par la silhouette provocatrice et voluptueuse de celle qui s’est emparée du cœur du jeune homme.
« Ferme-la. » Il a toujours détesté ce succès qu’elle avait. Bien sûr, il l’a trompée, et pas qu’une fois, mais c’est parce qu’il voulait lui rendre la monnaie de sa pièce. La belle n’a cessé de jouer avec d’autres, et il ne le supporterait jamais. Ne lui suffisait-il pas ?
« C’est elle qui t’a largué ? » L’interroge le garçon qu’il a rencontré dans une salle de boxe, par hasard. Il n’a pas envie de lui dire que les coups qu’il porte sur le ring ou dans la rue, il en a fait pleuvoir sur le doux visage de la beauté fatale. Parce qu’il l’aime trop et qu’il ne sait pas comment l’exprimer, et qu’elle lui fait perdre la tête.
« Non, plus d’un commun accord… » C’est un mensonge éhonté, et peut-être que Pete l’a compris, il ne faut pas sortir de la cuisse de Jupiter pour le comprendre.
« C’est ça, et c’est pour ça que tu es pendu à son instagram ! » Il se moque le garçon brun aux muscles saillants. Il le peut, Sol est pathétique. Il enchaine les galères, et tout ce sur quoi il focalise, c’est la grande blonde. Il n’a pas le sens des priorités.
« Je veux la récupérer, on est faits l’un pour l’autre. » Il a presque l’air naïf à le dire sérieusement, et son pote se plait à faire défiler les photos sur l’instagram de ladite Harriet.
« C’est pas ce qu’elle a l’air de penser. Y a écrit qu’elle a un mec. Et puis honnêtement Sol, elle a l’air de vouloir une vie de princesse… Tu peux pas franchement lui offrir ! » Il est lucide, contrairement au rouquin qui se frustre en silence alors qu’il voit chacune des photos qu’il connait pourtant par cœur. Aucune photo de leur passé commun semble appartenir à son nouveau monde. Ca l’irrite et il a besoin de se persuader de ce qu’il rétorque.
« Je suis le seul qu’elle a aimé. » Pete a un hoquet de rire, il n’a jamais vu Sol si vulnérable, lui qui effraie par son acharnement, par son manque de volubilité, tandis que ses traits si angéliques lui donnent un air de gamin. Il ne veut pas grandir, il n’y a qu’à voir le haut de son corps, tatoué à la manière d’un enfant qui colorie mal.
« Alors qu’est-ce que tu attends ? » Il n’attend rien. Il voudrait lui parler, mais elle n’est jamais seule. Chloe et Olivia ne le laissent plus s’approcher d’elle. Se pointer au théâtre, il y a pensé, mais il n’est pas encore passé à l’acte, il a besoin de voir jusqu’où il peut aller, quitte à feindre une scène alors qu’elle n’est pas sur les planches.
« T’as raison. » Oui, il doit la récupérer. Coute que coute. Même si semblerait-il qu’un autre souci se profile : les Costigan. Il a travaillé pour eux, et si Moriarty est inoffensif, Cillian en revanche, lui a toujours inspiré de la crainte. D’ailleurs, il se demande ce qu’elle fiche avec lui, il n’a rien à lui envier. Lui n’a jamais voulu appartenir à un clan, il savait que cela revenait à une peine de mort.
« Mais tu veux un conseil, Sol ? Pense au futur que tu pourrais lui apporter. J’ai pas l’impression que vos vies soient compatibles. » Mais Sol n’en doute pas, parce qu’Harriet sait qu’il est prêt à tout pour elle, et il compte bien le lui montrer.
***
Sol n’a rien contre son prénom, mais c’est après avoir appris que son prénom signifiait « Désiré » en hébraïque, il a préféré changer l’orthographe, préférant le soleil, plutôt qu’un mensonge. Ca n’a rien d’officiel, mais tout le monde écrit Sol. – Sol il sait jouer de la guitare, il a appris avec des gens du voyage avec qui il trainait parfois, mais contrairement à son frère, il fait cavalier seul, il n’aime pas les groupes. – Sol considère son corps comme une œuvre d’art et se fait tatouer tout ce qui lui passait par la tête, et il a dessiné la plupart de ces motifs. – Il y en a un qui fait référence à Harriet. Parce qu’elle a sa place sur son corps pour l’éternité. – Il a toujours aimé bricoler, mais il est rare qu’il finisse quelque chose, il se lasse. – Colérique à souhait, il se compare souvent à Darth Vader. – Il a la descente facile, mais il ne boit que rarement des alcools forts contrairement à la légende. – Il a cherché son père pendant un temps, mais il avait peur d’apprendre que son père était loin de l’image bad ass qu’il se faisait de lui. – Il a souvent l’air négligé et refuse qu’on touche à ses cheveux. S’il est débrouillard, il sait aussi se mettre dans des galères interminables. – Il conduit très vite voire trop vite. D’ailleurs il a longtemps roulé sans permis. – Il est un fêtard hors pair et n’hésite pas à s’incruster partout où il y a de l’ambiance. – Si on lui reproche souvent sa colère, Sol est l’ami des chats de gouttière, il en récupère souvent et s’en occupe comme si c’était les siens. – Quand il dort, il est difficile de le réveiller. – Il a travaillé quelques temps pour les Costigan, mais il a une sainte horreur de devoir rendre des comptes.